Rencontre avec Lili Sohn pour Octobre Rose

Continuer à aimer son corps, ne pas culpabiliser, ne pas avoir de remords, oser et aller au bout de ses rêves

lili sohn

Le cancer du sein, on en parle surtout en octobre, parce que c’est Octobre Rose. Le cancer du sein ce n’est pas si rose et ce n’est pas seulement celui du sein. Prendre le réflexe de se faire dépister, c’est toute l’année et ça peut sauver des vies. Octobre rose (rebaptisée depuis 2021 Ruban Rose), est une campagne annuelle de sensibilisation au cancer du sein, qui a lieu chaque année du 1er octobre au 31 octobre. Chaque année, de nombreuses femmes sont touchées par le cancer du sein. Même si le cancer du sein se développe le plus souvent autour de 60 ans, 10 % des cas se manifestent chez les femmes âgées de moins de 35 ans. D'après cancerdusein.org, on estime qu'une femme sur huit est touchée. Octobre Rose existe pour que le dépistage devienne un réflexe. Il permet de repérer diverses anomalies au stade précoce, de pouvoir agir vite et limiter l’apparition de symptômes. Un cancer du sein détecté tôt peut se guérir dans 90 % des cas, alors si ce n’est pas déjà le cas, vérifiez, prenez ce moment pour vous, pour confirmer que tout va bien. L’autopalpation mammaire fréquente, le contrôle régulier chez un médecin, avec une palpation éventuellement complétée d'une échographie ou d'une mammographie, peut être facilement réalisée.

Nous avons rencontré Lili Sohn, à qui on a détecté un cancer du sein, il y a 10 ans. On peut vous dire que Lili, c’est une guerrière. Le cancer du sein, est un combat du quotidien, ce fut le sien. Elle nous raconte aujourd’hui son histoire, ce qu’elle a traversé avec une grande dose d’humour et d’auto-dérision, toutes ces choses qui lui ont fait du bien quand elle en avait besoin, la force que la maladie lui a donnée pour réaliser ses rêves, et les actions nécessaires pour prévenir de ce cancer.

Comment vas-tu ?

Je vais super bien, merci. Le tourbillon de la rentrée est passé et j'ai des projets géniaux dans les tuyaux. En ce moment, je fais pas mal de déplacements pour la promotion de ma BD (PARTIR sur les chemins de Compostelle) et je fais plein de belles rencontres. Comme à chaque rentrée, j'ai repris le sport et pour le moment, je m'y tiens. Je suis assez fière de moi ! Et sinon, je me suis pesée (je ne sais pas ce qui m'a pris) et je n'ai clairement pas perdu mes kilos de grossesse.

« Alors je travaille à me foutre la paix et à aimer ce corps qui a fabriqué un humain. Ce n'est pas facile, c'est une tâche quotidienne. »

 

Peux-tu m’en dire nous en dire un peu plus sur toi, sur l’épreuve du cancer que tu as traversée ?

Je m'appelle Lili, j'ai 38 ans et je vis à Marseille avec mon conjoint, mes 2 enfants et mon chat. Je suis autrice de BD et réalisatrice de documentaires. Ah, et aussi, j'ai eu un cancer du sein il y a… Han ! Presque 10 ans déjà. J'habitais Montréal et j'avais 29 ans lorsqu'on m'a diagnostiqué un cancer dans mon sein droit. On m'a retiré la tumeur (+ un téton) et j’ai eu de la chimio. Puis j'ai découvert que c'était génétique (mais si, tu sais comme Angelina Jolie) alors j'ai fait le choix de retirer mes deux seins (et on m'a mis des prothèses à la place). Je résume ça en 2 phrases, mais tu t'imagines bien que ça a été assez compliqué.

Comment as-tu découvert que tu avais un cancer du sein ?

J'avais un téton rétracté et comme ma mère m'a toujours dit de faire attention à mes seins, je suis allée consulter. La première fois, le médecin n'a rien détecté. La deuxième fois non plus, mais par acquit de conscience elle m'a envoyé faire une échographie. C'est lorsque la personne qui faisait l'examen m'a dit : "Depuis quand sentez-vous cette masse ?" Que j'ai compris qu'il y avait un problème.

En quoi ce cancer est-il différent des autres ?

Ha, bonne question ! Je n'ai pas eu d'autres cancers donc je ne peux pas vraiment comparer. Mais peut-être que le cancer du sein touche un symbole de la féminité. Pour ma part, c'est l'ablation de ces attributs, qui a déclenché mes réflexions féministes.

Est-ce que je suis encore une femme si on retire mes seins ?

Sans suspense, je peux vous dire que je suis toujours une femme. Et même si on me retirait d'autres attributs je le resterais, à partir du moment où je décide que je le suis. Et puis il faut dire que le patriarcat ne se met pas en veille lorsqu'on est une femme malade. Les injonctions à la beauté, la charge mentale et l’infantilisation (notamment de la part du milieu médical) ne disparaissent pas et c'est un peu la double peine.

Comment as-tu vécu la maladie ?

Je n'avais pas décidé d'être malade alors j'ai pris la décision d'essayer de le vivre joyeusement. J'ai essayé de rendre tout ça le moins douloureux possible. Alors je me suis déguisée, j'ai invité mes amis à venir avec moi aux chimios et j'ai fait beaucoup de blagues.

Que faisais-tu alors pour te ressourcer lorsque tu ressentais le besoin ?

Pour affronter cette épreuve, j'ai créé un blog de bande dessinée à peine quelques jours après le diagnostic. J'y partageais avec humour et transparence mes états d’âme selon les épisodes de ma maladie : l’annonce de mon diagnostic, mes traitements, ma grande opération, mes changements physiques... Ça a été une vraie thérapie ! Et ce fut également un moyen de comprendre que je n'étais pas seule, puisque j'ai reçu des tonnes de messages du monde entier. D'ailleurs, ce blog a eu tellement de succès que j'ai été éditée (La guerre des tétons, Michel Lafon).

Y a-t-il un avant/après ? Si oui lequel ?

Oui, j'ai compris que je n'étais pas immortelle. Et ça, ça change pas mal de choses. Ça m'a notamment permis de me lancer dans la BD. Mais ça a aussi placé une épée de Damoclès au-dessus de ma tête. Je sais que cette maladie pourrait revenir. Et maintenant, je sais comme elle est horrible.

Est-ce que la maladie a changé ta vision de la féminité ? Ta routine beauté/bien-être a-t-elle changé avant/pendant/après ?

Dans un premier temps, j'ai appris à me regarder dans le miroir, à regarder les changements qui m'arrivaient. J'ai d'abord arrêté de me maquiller et je me suis habituée à mon visage au naturel, avec tous ces défauts. Et puis j'ai appris à me dessiner des sourcils parce qu'ils me manquaient vraiment et à me donner bonne mine parce que certains jours, je me faisais un peu peur. Je suis contente d'être considérée socialement comme une femme, de pouvoir utiliser du maquillage (quoi les limites genrées tendent quand même à se détendre sur ce point-là). Le maquillage m’a vraiment sauvé le moral ! Aujourd'hui, je ne me maquille quasiment plus (à part un peu de rouge pour les occasions) et je fais très attention à ce que je mets sur ma peau. Quelles sont les actions de prévention ? Apprendre à connaître son corps et noter le moindre changement, se faire confiance, mettre au même niveau son ressenti et le savoir médical, se palper les seins sous la douche.

Quels conseils donnerais-tu aux personnes qui entourent une malade atteinte du cancer ?

Je crois que tout simplement dire aux gens qu'on les aime, avec un petit message ou un emoji. Et cela, sans attendre ni demander de retour. Et ne surtout, ne pas dire « ce n’est pas grave, ça va passer ». « Aujourd'hui, ça se soigne bien », « les cheveux ça repousse » ...

Si tu devais dire un mot aux personnes qui vivent actuellement l’épreuve que tu as traversée et surmontée, lequel serait-il ?

"Un jour après l'autre". C'est la phrase qu'une infirmière m'a dite lorsque j'ai été diagnostiquée. Elle m'a suivie tout le long des traitements et elle m'a beaucoup aidée.

Ta plus grande fierté ?

Être devenue autrice de BD. Oui, parce qu'avant j'étais graphiste. Je rêvais de faire de la BD, mais je n'ai jamais osé montrer ce que je faisais. Ce cancer a été mon élément déclencheur. D'une certaine manière, il m'a désinhibé. J'ai montré mes dessins sans complexe, de toute façon, il se pouvait que je meure...

« Aujourd'hui, j'essaie de moins culpabiliser, d'avoir moins de remords et de plus oser ! »

 lili sohn octobre rose